Page 10 - Coeurs Vaillants Num 02
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                                                                       RAMASSEUR






                                                                       DE JOUETS









                                                                         Il faut que je vous fasse un aveu. Vous savez que je suis
                                                                       un brave type, le cœur sur la main, toujours prêt à rendre
                                                                       service, qué ? De plus, je ne ferais pas de mal à une mouche.
                                                                       Et pourtant quand j’ai su que mon collègue, Ange Paravicci,
                                                                       avait, au cours d’une filature sous la pluie, pris un léger
                                                                       rhume, ça m’a fait plaisir. Vouei, ça m’a fait plaisir. Non que
                                                                       j’aie quelque raison de souhaiter du mal à Ange. O peu-
                                                                       chère ! A lui moins qu’à quiconque ! Un garçon qui a été à
                                                                       la maternelle avec moi, vous vous rendez compte ? Seule­
                                                                       ment... Seulement, Ange Paravicci, c’est le gardien de but
                                                                       du R. C. P. M. (Racing-Club de la Police Marseillaise) et,
                                                                       moi, je suis le gardien de but suppléant. Voilà. C’est tout.
                                                                       Vous avez compris. Dimanche dernier, le R. C. P. M. devait
                                                                       rencontrer en match amical, sur son terrain, le S. C. P. T.
                                                                       (Sporting-Club de la Police Toulonnaise) et, avec Ange au lit,
                                                                       j’étais de la fête !
                                                                         Alors, inutile de vous dire que j’ai un peu laissé tomber
                                                                       l’affaire du « Ramasseur de jouets ». Vous connaissez sûre­
                                                                       ment, les journaux en ont assez parlé !
                                                                         Un nommé Bartatane avait monté un petit commerce assez
                                                                       original. Brocanteur en jouets. Il contactait, par petites
                                                                       annonces, des familles ayant des enfants passant à ’’âge
                                                                       adolescent. Ces gens-là ne sachant pas comment se débar­
                                                                       rasser de leurs jouets devenus inutiles, Bartatane évaluait
                                                                       des lots à bas prix et les revendait dans sa petite boutique de la
                                                                       rue Grignan. Il n’y aurait rien eu là d’extraordinaire si l’on
                                                                       ne s’était pas aperçu de disparitions passablement contra­
                                                                       riantes dans les maisons où Bartatane avait pénétré. Ici,
                                                                       c’était une petite parure de diamants, là quelques cuillers
                                                                       en argent, ailleurs purement et simplement des billets de
                                                                       banque. La police a été alertée et j’ai été mis sur l’affaire.
                                                                       Or, après une enquête serrée, je puis vous assurer qu’on ne
                                                                       voyait jamais sortir Bartatane de ces maisons avec autre
                                                                       chose que des jouets dans les mains. Même une fois, je l’ai
                                                                       fouillé. Et c’était délicat, croyez-moi, car, officiellement, il ne
                                                                       faisait l’objet d’aucun mandat. Vous ne le répéterez à per­
                                                                       sonne ? Je vous fais confiance, qué ? Eh bé, j’ai usé d’astuce...
                                                                       Oui... J’ai fait semblant de le prendre pour un autre. Il s'était
                                                                       rendu au 18 de la rue de Phocée chez M. et Mme Landry qui
                                                                       vendaient les jouets de leur fils. L’ayant suivi, j’attends d«n«
                                                                       le couloir. Dès que je le vois, descendant les escaliers, je
                                                                       bondis sur lui : « Police ! Allez, zou ! Montrez-moi tout ce
                                                                       que vous avez sur vous ! » Il accuse le coup, blêmit et, à tout
                                                                       hasard, met les mains en l’air.
                                                                         Je l’ai fouillé comme à la douane quand ils font la grève
                                                                       du zèle. Toutes les poches. Rien. J’ai regardé aussi dans sa
                                                                       sacoche ; il n’y avait que ùl-s jouets. Au fur et à mesure, il
                                                                       prenait de l’assurance et j’en perdais. « J’en parlerai à vos
                                                                       supérieurs, me dit-il, on ne s’amuse pas, comme cela, à
                                                                       fouiller les honnêtes gens ! Je vous promets un bel avance­
                                                                        ment ! » Mais j’avais prévu la chose et jo me suis écrié :
                                                                        « Mais vous n’avez pas la cicatrice, là, sur le poignet gauche...
                                                                        Oh, excusez-moi ! Comment vous dire... Je vous ai pris pour
                                                                        Jojo-les-mains-palmées... Vous savez, cet escroc qui change
                                                                        tous les jours de déguisement... » Qu’est-ce qu’il ne faut pas
                                                                        faire pour gagner sa jroûte.
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