Page 11 - Coeurs Vaillants Num 02
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II
Il y a bien eu aussi quelques Marseillais qui ont envoyé coups
de poing, coups de pied et coups de tête sur les Toulonnais
mais, sincèrement, ils ne l’ont pas fait exprès. Dans la foule
on entendait des cris : « C’est du hand-ball ! — Non ! C’est
du rugby ! — Non ! C’est du catch ! » Bref, c’était tout, sauf
du football. Alors, il m’est venu une idée : et l’arbitre ?
Où était-il, l’arbitre ? Que faisait-il, l’arbitre ?
Eh bien, il était sur la touche, criant tant qu’il pouvait
— mais on n’entendait rien au milieu des clameurs de la foule
— et, avec de grands gestes, fouillant dans toutes les poches de
sa petite veste et de son short. H est passé tout près de moi,
les yeux rivés au sol, envoyant de furieux coups de pied dans
l’herbe, et j’ai entendu ce qu’il disait : « Mon sifflet ! Où
est passé mon sifflet ? »
A ce moment, lancée de main de maître (et quand je dis
« main », croyez-moi, ce n’est pas une image), la balle fondit
vers moi, grossissant à vue d’œil à une vitesse foudroyante.
Je mis aussitôt la pointe de mon pied en avant. Pied et balle
se rencontrèrent. Et il y eut bruit aussi. Mais attention,
nuance : pas « bang » comme il aurait été normal, mais
« clone », comme si j’avais tapé non dans une balle mais dans
une cloche. Les autres, depuis le début de la partie, dans le
feu de l’action n’y avaient sans doute pas fait attention, mais
moi, comme somme toute c’était, de ce jour-là, la première
fois que je shootais, ça m’a frappé. Première réaction :
« Quel est le fada sous-alimenté qui s’est amusé à faire une
pareille galéjade ? » Deuxième réaction — mais alors là,
lumineuse, le coup de foudre de l’inspiration : « J’ai trouvé
l’énigme du « Ramasseur de jouets ».
Quelques jours plus tard j’attendis à nouveau Bartatane
sortant de chez une de ses victimes ; et cette fois-ci je le
confondis magistralement : il emportait un sautoir en or et
un petit porte-cigarette en argent.
Je crois que je vous en ai assez dit. Non ? Alors mettez
cette page sens dessus dessous.
J'AI TROUVÉ L’ÉNIGME DU RAMASSEUR
DE JOUETS.
Or, quelques heures plus tard, on apprenait que Mme Lan
dry avait « perdu » (?) une paire de boucles d’oreille en topaze
enchâssées d’or qu’elle avait eu l’imprudence de poser sur
une petite console du living-room. Voilà quelle était la situa
tion : sous prétexte de chercher des jouets, Bartatane allait
et venait dans les appartements et volait, on en était sûr.
Mais on ne possédait aucune preuve ferme qui nous permit
de l’arrêter.
Alors les personnes volées ont carrément porté plainte.
Nouvelle enquête encore plus poussée. Rien... Et la presse
s’est mise de la partie ! Avec les titres les plus fantaisistes et
les plus désobligeants : « L’inspecteur Lestaque mis en échec
par le ramasseur de jouets », « Le ramasseur de jouets passe
son butin sous le nez de l’inspecteur Lestaque », « Quand l’ins
pecteur Lestaque se décidera-t-il à porter des lunettes ? »,
etc..., etc...
Je trouvai donc dans ce match qui s’annonçait avec Toulon
un délassement tonique.
Au jour dit, nous nous sommes trouvés sur le terrain.
Je suis franc avec vous, qué ? Eh bien, ça partit mal. Les
3 premiers buts toulonnais, je ne les ai pas vus venir. Et les
4 suivants... Oh, les 4 suivants, je les ai vus, bien sûr, je
commençais à prendre l’habitude. Mais je les ai trop bien vus,
je veux dire de trop loin. Alors, je plongeais trop tôt ; manque
de synchronisme. Et je me trouvais déjà à plat ventre dans
l’herbe, les mains vides, au moment où la balle entrait dans
les bois. Si encore nous avions eu des avants à la hauteur !
Mais, à la première mi-temps, le score était : 7 pour Toulon •uoneq ei)ou suap ep ppjis
et 0 pour Marseille. Alors j’ai commencé à m’énerver et je ej aaçiuBUi ouioui bj ap jtaqoBO jioaop nso sud )i8ABtu anup
me suis dit : « Coquin de sort ! A partir de maintenant, je xnaAot un is çsuad sibuibC aj^-^nad stbjub À(u aÇ anb oatp
surveille le jeu sérieusement ! » Et j’ai surveillé. Avec un •••m^nq wjad nos ;aui A no je uonvq ai suap noaj un
œil de lynx. Et ne croyez pas que les nerfs me faisaient jtUBa 0i O0AB onbyuid no — uarq wtn-zoAins — stnd ‘(jnaj
perdre la tête. Oh, non I Au contraire ! Ils donnaient un sur -UBOOiq ap auiuioq OABiq un b aauBjjuoa qiBj no ‘lonb ‘smd
croît d’acuité à ma lucidité. Je suivais la balle avec méthode, p S)uua2n3?a juauian8! )uos sua3 soi ‘sjnofno; aÂnoj) uats
un peu comme Descartes s’il avait été gardien de but. Et vous O }0) OAnoi? ua4s n(s s^uussaj^ui sptqo sai bjoa uo ‘juaur
savez ce que j’ai vu ? Un Toulonnais prenant le ballon à deux -ajsajd ! uopa„Bqo ep )noq |qad nn ,a jinua $i;ad un ïos ans
mains, piquant un petit cent mètres et le passant à un autre a;sod uo ‘sjojv ’suonvq sinoisnid no un sjnotno; oauojj as n
qui, lui, l’a mis sous son bras. Un Toulonnais faisant un croc- ‘spnot ap )oj un suap ‘anb issnB janbiBmaj p )sa n • s;aÇqo
en-jambe à un des nôtres. Un Toulonnais sortant carrément s;ipd ap anb ;ibioa au 0UB;Bi)iBa anb janbJBUiaj b )sa n
du terrain pour s’approcher de nos buts en évitant les avants LESTAQUE.

