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A L'ÉCOLE DE CADRES DE ROUFFACH TOUS LES EXERCICES SE FONT AVEC TIR RÉEL DANS L'ATMOSPHÈRE MÊME DU COMBAT MODERNE.


             L y a longtemps que le Général de Lattre avait compris   aucune différence. Mais, tandis qu’ils passaient, regardant
         I   vieilles idées qu’il vient de reprendre, mais au milieu   et impérieux semblait saluer personnellement chacun d’eux,
              la nécessité des Ecoles de Cadres ; c’est une de ses
                                                                 leur Général, et que celui-ci, de ses yeux à la fois souriants
              de circonstances qui en rendaient la réalisation difficile :   une chose frappait : l’extraordinaire jeunesse de cette armée.
         une armée en mouvement, dont toutes les forces sont tendues   Ah ! oui, les différences s’étaient bien fondues, c’était une
         vers la guerre, devait se priver de quelques-uns de ses élé­  même démarche, c’était un même visage dur et scellé sous
         ments parmi les meilleurs, et ceci à un moment particuliè­  le casque, c’était une seule âme, c’était un seul corps, et ce
         rement important. La chose cependant, était nécessaire ; don­  corps avait autour de vingt ans.
         ner à des éléments d’horizons divers, une formation commune,
         un même niveau de technique et d’entraînement, faire se    Nous avons vu là-bas, un extraordinaire spectacle : ils
         connaître de jeunes hommes,,qui, demain, seront pour la plu­  étaient près de 5.000 rangés en trois carrés autour du drapeau.
         part de jeunes chefs, tel était le programme de l’Ecole, et   Le Commandant en second de l’Ecole, juché sur une estrade,
         pour autant qu’il ait été possible en cinq semaines, nous pen­  les fit chanter. Alors, dans le ciel d’Alsace montèrent à trois
         sons que sa réalisation a été menée à bien.             voix, à trois puissantes voix, dans un ensemble parfait, quel­
                                                                 ques-unes de nos chansons populaires.
           On a retiré la majorité de ces hommes de la ligne de feu,   Ce fut ensuite un maniement d’armes prolongé, où toutes
         pour les jeter dans cette Ecole, et sans une journée de per­  les cadences se succédèrent, sans la moindre bavure, sans que
         mission, sans la moindre transition, eux qui vena’ent de mener   les hommes en fussent déroutés ou ralentis un instant.
         la vraie guerre, on les forçait à jouer à la guerre, on les
         faisait s’asseoir sur des bancs d’écoliers, ce qui est toujours   Cependant, le Général se retournait vers les assistants, leur
         pénible pour ceux qui reviennent à peine des combats. Et   expliquant le sens et la valeur de ces automatismes : éducation
         pourtant, on nous l’a dit, et ils nous l’ont dit eux-mêmes, au   des réflexes, maîtrise du corps, apprentissage de l’énergie.
         bout de quelques jours une mentalité commune était créée,   C’est bien en effet sûr de pareilles bases, qu’on redressera la
         l’enthousiasme reprenait le dessus et, tous mêlés, • soldats,   race. Elles ne .suffisent pas et veulent être couronnées par
         sous-officiers, officiers, — il y avait même des Capitaines, et   l’esprit, mais sur elles on pourra construire et fortifier l’espjit.
         de jeunes héros décorés déjà — ils ne renâclent pas plus pour   Exercices techniques et sportifs, chant et parade, tout est
         monter à l’assaut de villages factices, qu’ils ne l’avaient fait   dominé là-bas par deux choses : une volonté enthousiaste et
         en attaquant Thann ou Cernay.                           un sens bien rare de la perfection.
            Il en est de cette Ecole, comme du reste : pour la première   Et l’Ecole de Cadres de Rouffach prouvait une fois de
         fois dans l’histoire des guerres — le Général de Lattre l’a   plus, mais à grande échelle, qu’à ces deux conditions, les
         souligné — on a vu une troupe se former et s’instruire au   possibilités ouvertes par l’éducation des Français, sont im­
         contact de l’ennemi. La masse des F.F.I. à peine arrivée à   menses. Nous l’avons senti alors, de façon tangible, cette
         l’Armée d’Afrique, on l’envoyait au feu, et au premier répit,   volonté, cette certitude du redressement en voyant devant ce
         il fallait bien faire de l’instruction. L’Ecole comprend, et   Général qui est l’incarnation de l’énergie, dans ce qu’elle a à
         c’est normal, une bonne partie d’éléments venus des Forces   la fois de plus souple et de plus tendu. . passer les yeux droits
         Françaises de l’intérieur, mêlés aux engagés et aux Anciens   et le visage net, la fleur même de l’énergie française.
         de Tunisie et d’Italie.
            Tous, ils ont défilé devant nous, et nous n’avons aperçu                                       T. M. D.



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