Page 96 - Les merveilles de l'industrie T1
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LE VERRE ET LE CRISTAL.                                 91


          leuses créations que l’industrie française   il faut la raffiner. Cette opération s’exécute en
          réalise dans la cristallerie de luxe.      calcinant la potasse brute, qui provient soit
            Le cristal est, avons-nous dit, un verre qui   des cendres de l’usine, soit des résidus des
          contient du silicate de plomb. Les mélanges   raffineries du Nord, pour détruire les ma­
          employés pour sa fabrication varient peu   tières organiques qu’elle contient, et dont
          d’une cristallerie à l’autre. Suivant M. Bon-   l’action réductive sur les sels métalliques,
          temps, ce mélange est à peu près le suivant :  aurait pour effet de colorer le cristal. La po­
                                                     tasse calcinée est ensuite dissoute dans l’eau
               1  partie de carbonate de potasse,
               2  — de minium,                       et l’on évapore la dissolution.
               3 — de silice.                          La silice employée à Baccarat est tirée des
             On ajoute ordinairement une petite quan­  sables d’Epernay, en Champagne. Ces sa­
           tité d’oxyde de manganèse, pour blanchir le   bles sont lavés avec grand soin avant d’être
           cristal. Quelquefois aussi on remplace une   mis au creuset.
           partie du carbonate de potasse par de l’azo­  Dans les autres cristalleries on emploie les
           tate de potasse ou nitre. Enfin, on ajoute   sables de Fontainebleau ou de Nemours.
           presque toujours à la composition une cer­  On fait usage des potasses d’Amérique, de
           taine quantité de groisil.                Toscane ou des potasses indigènes provenant
             Le cristal étant le plus pur, le plus trans­  de la culture des betteraves. La potasse ex­
           parent de tous les verres, on conçoit qu’on   traite des eaux de la mer par les procédés de
           doive n’employer dans sa fabrication que des   M. Balard trouve de larges débouchés dans
           matières premières de la plus grande pureté.   les cristalleries.
           A Baccarat, au lieu d’acheter le minium aux
           fabricants de produits chimiques, on le pré­  Voici maintenant comment le cristal se
           pare dans l’établissement, en oxydant du   prépare avec ces divers ingrédients.
           plomb, qu’on fait venir d’Espagne pour l’avoir   Le mélange du sable et de la potasse, du
           plus pur. On sait que, par l’oxydation, le   minium et du groisil est effectué à la pelle,
           plomb se transforme d’abord en protoxyde,   et introduit dans les creusets, qui sont faits à
           ou massicot, qui se présente sous la forme   Baccarat, avec une terre argileuse, provenant
           d’une poudre jaune, puis en sesquioxyde, ou   de Forges-les-Eaux.
           minium, d’une couleur rouge caractéristique.  Pour fabriquer ces creusets, on mélange
             On a vu, par la composition du mélange   l’argile crue à de l’argile cuite provenant des
           vitrifiable que nous avons citée plus haut,   débris de vieux creusets, puis marchée à
           que pour la préparation du cristal, comme   pieds d’homme, après avoir été mise quelque
           pour celle du verre de Bohême, la potasse est   temps au repos dans des caves. La terre mar­
           employée de préférence à la soude. Mais cette   chée et foulée est bonne pour la confection
           préférence qui, en Bohême, est favorable   des creusets. On laisse les' creusets, une fois
           aux intérêts du maître-verrier, en même    moulés, sécher pendant plusieurs mois. On
           temps qu’à la qualité du verre, ne présente­  emploie en un mot pour la préparation des
            rait pas en France ce double avantage, car   creusets destinés à la fabrication du cristal,
            dans notre pays, la soude est à meilleur mar­  toutes les précautions que nous avons assez
            ché que la potasse. Ce n’est donc que par né­  longuement décrites en parlant des creusets
            cessité absolue que l’on renonce à faire usage   destinés à la fabrication du verre.
            de soude dans une cristallerie.             Huit à dix creusets restent en permanence
              La potasse dont on fait usage dans les cris­  dans chaque four.
            talleries, doit être exempte de toute impureté :   Dans les établissements comme Baccaràt.
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