Page 286 - La Lecture Expressive
P. 286
278
Lecture 138 La défaite de Picrochole
IV
1. Quand Gargantua reçut à Paris la lettre de son père, il monta
sur sa grande jument et revint en toute hâte.
Sur le chemin, avisant un gros arbre feuillu : « Voici ce qu'il mr
fallait, dit-il. Cet arbre me servira de bâton et de lance. »
Il l'arracha facilement de terre, et en ôta les rameaux.
Arrivant près du château de Vède, qu'il croyait occupé par les
troupes de Picrochole, il s'écria tant qu'il put:
<< Etes-vous là, ou n'y êtes-vous pas ? Si vous y êtes, ni soyez plus ;
si vous n'y êtes pas, je n'ai rien à dire. »
2. Mais un canonnier lui tira un coup de canon et l'atteignit droit
à la tempe, sans lui faire plus de mal, d'ailleurs, que s'il lui eût jeté
une prune.
« Qu'est cela ? dit Gargantua, nous jetez-vous des grains de rai-
sin 'l La vendange vous coûtera cher ! » II croyait réellement que le
boulet fût un grain de raisin.
Ceux du château coururent aux remparts et lui tirèrent plus de
neuf mille vingt-cinq coups de canon ou d'arquebuse, visant à la
tête.
« Ponocrates mon ami, dit Gargantua, ces mouches m'aveuglent,
donnez-moi quelque rameau de saule pour les chasser. » II croyait
1
être piqué par des mouches bovines •
« Ce sont des coups de l'artillerie du château », dit P~riocrates.
Alors Gargantua frappa de son grand arbre contre le château et
abattit à grands coups tours et forteresses et démolit tout par terre.
3. Gargantua et ses compagnons poursuivirent leur route et
arrivèrent au château de Grandgousier, qui les attendait avec
grand désir ...
Gargantua marcha alors contre la Roche-Clermaud et s'en empara.
Le capitaine Touquedillon fut fait prisonnier ; mais Grandgousier
lui rendit la liberté en lui disant : << Le temps n'est plus de conquérir
les royaumes, au grand dommage de son prochain. Et ce que les
2
Sarrasins et les Barbares, jadis, appelaient prouesses , maintenant