Page 52 - Historique du 7ieme bataillon Chasseurs Alpins
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36         HISTORIQUE  DU  7"  BATAILLON  DE  CHASSEURS  ALPINS

           une  mince  besogne;  les  artilleurs  se  hâtent,  car  ils  ont  souvent  plu-
          sieurs  voyages  à  faire  et  les  caissons  vides  reviennent  avec  un  grand
           bruit  de  ferraille,  croisant  la  colonne  mcntante  des  voitures  à  muni-
           tions  d'infanterie,  des  voitures  du  génie,  des  cuisines  roulantes.  La
           route  est  étroite,  les  roues  s'accrochent,  les  obus  pleuvent,  les  traits
           cassent,  la  nuit  est  noire  et  le  masque  anti-gaz,  rend  les  explications.
           plutôt  confuses.  Tout  le  monde  veut  passer,  les  gradés  s'agitent  en
           vain,  il  faut attendre.
               Demain,  quelques  cadavres  de  chevaux,  quelques  carcasses  de  voi-
           tures se seront ajoutés aux nombreux  débris qui,  déjà,  jalonnent  la  voie.
               Laissons  donc  la  route  et suivons  une  piste  parallèle.  Le  sol  saturé
           d'eau est un cloaque de boue gluante.  Il  faut  faire des efforts inouïs  pour
           avancer et,  à chaque pas,  on  entraîne après soi  des blocs de terre  grasse;
           des  trous  d'obus,  pleins  de  boue liquide  sont  autant  de  pièges sournois.
           L'ennemi,  pressentant  ) 'attaque  prochaine,  s'inquiète  et  déclanche  de
           temps  en  temps  de  violents  barrages.  Pour  éviter  les  obus.  il  faudrait
           se  hâter  vers  le  boyau,  courir!  Peut-on  y  songer?  Pour  porter  un  pied
           en  avant,  il  faut  dégager  l'autre  de  la  boue  qui  le  retient.  On  marche
           toujours,  les  heures  passent  monotones.  Enfin,  voici  le  boyau!  La  nou-
           velle qui  vient  de  la  tête  de  la  colonne  est  accueillie  avec satisfaction ...
           Mais  à  peine y est-on  entré que,  déjà,  on  regrette  le  terre-plein.
               Ce  boyau  est  un  ruisseau  où  l'on  patauge  jusqu'au  genou,  le  fond
           en  est  glissant.  On  cherche  appui  à  droite  et à  gauche,  mais  la  main  ne
           re111contre  que la  boue  visqueuse  du  parapet.
               Marche,  brave  chasseur.  La  charge  est  lourde,  tu  perds  l'équili--
           bre,  tu  es ,exténué,  mais  il  le  faut,  marche,  dans  quelques  heures,
           u  l'heure H  » aura sonné.
               Au  prix  de  prodigieux  efforts,  on  atteint  enfin  la  1re  ligne  à  la
           pointe  du  jour.  Grâce  au  labeur  incessant  de  ses  anciens  occupants,  la
           tranchée  est  d'une  propreté  relative.  La  boue  n'y  monte  guère  au-des-
           sus  de  la  cheville.  Quelle  joie!  Les  physionomies  s'éclairent  à  la  pers-
           pective de  quelques heures de sommeil. ..
               Entre  les  lignes,  le  terrain  bouleversé  n'est  plus  qu'une  vaste  mer
           de  boue.  Notre  artillerie  a  commencé  sa  préparation  qui  paraît  bien  fai-
           ble  sur  les  premières  lignes  allemandes,  sans  doute  à  cause  de  la  trop
           grande  proximité  de  nos  parallèles de  départ.
               Enfin,  l'heure  approche,  ayons  confiance.  Les  officiers  encouragent
           leurs  hommes,  donnent  les  derniers  ordres.
               11  heures 05.  On met baïonnette au canon.
               11  heures  07.  La  première  vague  se  hisse  péniblement  sur  le-
           parapet,  où  les  hommes  restent  à  plat  ventre.
               11  heures  10.  En  avant!
               Avec  une  impétuosité  remarquable,  le  bataillon  se  porte  à  l'assaut;
           les  difficultés  du  terrain  retardent  sa  marche;  les  hommes  s'enlisent.
           Les  mitrailleuses  ennemies  font  entendre  leur  tac-tac  incohérent,  le
           barrage se déclanche ...
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