Page 10 - Coeurs Vaillants Num 39

Un jour, William Rex, maire de Kasty-City vint rendre
Voilà l’histoire :
A l’époque, Kasty-City était un des bas­
tions les plus avancés sur la piste de Santa-
Fé. Dick Rig, le shérif, venait de prendre sa
retraite après avoir mené une lutte hé­
roïque contre les fameux raids Cheyennes.
La ville et la région étaient à peu près tran­
quilles grâce à lui. Après des votes sans
histoires, Down Gorms, une sorte d’Her­
cule, avait été élu shérif. Et toute l’affaire
fut déclenchée par une pécadille.
visite au vieux Dick. « Salut, Dick. — Comment va, Willy ?
— Dick, j’ai des soucis. Mon petit James est un enfant
amorphe. Pour les études, ça peut aller, le Révérend ne s’en
plaint pas. Mais pour la culture physique... C’est que nous
habitons un enfer, Old Dick, où chaque jour on doit se dé­
fendre. Bref, il faut que mon fils, s’il se trouve un soir dans le
désert face à un aspic, un coyote ou — pis encore —■ un
Cheyenne, sache sortir son colt et s’en servir. Il faut lui
apprendre à monter à cheval, à tirer à vingt pas, à sauter,
à courir. Pour cela, j’ai hésité entre Down Gorms et vous.
Mais Down est maintenant fort occupé. Alors que vous... —
O. K., Willy. Amenez-moi James demain. Je commencerai
par lui faire monter mon plus jeune bronco. »
Je ne sais pas si je me fais bien comprendre...
Le lendemain, sur la place de Kasty-City, le vieux Dick
disait au revoir au petit James, qui venait de prendre sa pre­
mière leçon. Alors il vit avancer vers lui, les colts-frontiers se
balançant sur les hanches, Down Gorms. Down Gorms pas
content du tout. « Paraît que tu donnes des leçons au fils du
maire, Dick ? » Dick le toisa : « Quelque chose qui ne va
pas, Down ? — Allons, vieux renard, tu t’es encore arrangé
pour te faire valoir, pas vrai ? Tu as été un bon shérif, d’ac­
cord. Mais maintenant, place aux jeunes. C’est moi que le
maire aurait dû choisir. — Tu ne vas pas discuter les déci­
sions du maire, tout de même. — Puis après ? Un maire ça
peut se tromper comme tout le monde, non ? » Excédé, Dick
répliqua un peu trop vertement : « Si le maire ne t’a pas
choisi, Down, c’est sans doute parce que tu n’étais tout sim­
plement pas à la hauteur. » Dans tout l’Ouest, il n’y avait pas
un gars qui eut le sang plus vif que Down Gorms. « Tu vas
le regretter, Old Dick ! » cria-t-il et d’une détente sèche il
envoya un coup de poing sur le vieux. Dick roula à terre. Son
premier geste fut de porter les mains à ses colts. Trop tard.
Down avait déjà sorti les siens. « Bouge pas, Dick! » Dick
se relevait. Lourdement, les mains en l’air. Il se raidit tant
qu’il pût et ses yeux de beau vieillard lançaient des flammes :
« Tire ! Mais tire donc, Down ! De Frisco à New-York, il ne
s’est jamais trouvé un cow-boy qui ait pu faire mordre la
poussière à Dick Rig. Tu es le premier. Je n’ai plus rien à
perdre. Alors, tire ! » Au fond, Down avait un peu honte et
déjà regrettait son geste. Il n’en voulut cependant rien laisser
paraître. « Ça va », dit-il, en rentrant ses colts. Puis, haussant
ses lourdes épaules, il s’éloigna.
Je ne sais pas si je me fais bien comprendre...
Après cet incident, on vit toute la journée le vieux Dick
qui cherchait son fils Rodger. Rodger était un rêveur, mais,