Page 10 - Coeurs Vaillants Num 36
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UNE NOUVELLE DE J.-P. BENOIT
[piste P OUAH ! Que ce cigare avait mauvais goût ! Il était
énorme, fabriqué spécialement pour lui du plus fin tabac
de La Havane, mais aujourd’hui John Athanase Browning
n’y prenait aucun plaisir. Il avait bien essayé de se distraire en
produisant des ronds de fumée comme il s’amusait à en former
. histoire à fumer le cigare après ses premiers succès qui, de pauvre
une trentaine d’années auparavant quand il avait commencé
apprenti cordonnier, l’avaient fait passer, au rang de jeune
millionnaire. Mais à présent, il ne savait plus comment s’y
prendre : sitôt écloses, les couronnes de fumée se désagré
geaient ; cela venait sans doute des climatiseurs qui entre
tenaient un brassage d’air continuel dans la pièce... Il allait
dejOHN se lever pour arrêter les diaboliques machines lorsque Peter,
son secrétaire particulier, entra.
— Monsieur Browning a-t-il bien déjeuné P
— Affreusement mal, Peter, je me sens lourd...
ATHANASE terrible patron allait-il entrer dans une de ses magistrales
Le jeune homme fut parcouru d’un frisson de peur. Son
colères qui l’avaient rendu célèbre "dans tous les États-Unis.
— Souhaitez-vous que je renvoie le mauvais cuisinier
qui a osé vous servir un tel repas P
— Surtout pas, le suivant serait encore pire...
John Athanase se trouvait très las. Tout l’ennuyait. Il
lui répugnait de faire des confidences à ce brave imbécile de
Peter et pourtant, c’est d’un ton bourru qu’il déclara.
— Vois-tu, Peter, je crois que je commence à en avoir
assez...
— Et de quoi, monsieur ? Vous êtes le plus comblé des
hommes !
— Tu crois...
Peter ne savait plus où se mettre. Il lui fallait trouver un
sujet sur lequel le richissime John Athanase Browning
s’emballerait, un sujet capable de le mettre au travail, car
il devait justement ce jour-là préparer le contrat d’acquisition
d’une firme de parapluies tropicaux, affaire particulièrement