Page 11 - Coeurs Vaillants Num 24
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                                           ter contre la carène de son navire. Le   fit me blesser avec l’aiguille. Vite, tout
                                           Malais n’était pas trop mécontent de   le village accourut pour suivre l’agonie
                                           voir Ni essuyer des échecs, mais ses   de l’animal. Tu n’as jamais vu un
                                           affaires ne s’arrangeaient pas pour   requin de trente pieds devenir fou et
                                           autant. Quelques plongeurs tentèrent   frétiller comme un lançon, mais je
                                           une sortie sous notre surveillance...   t’assure que cela suffisait pour créer de
                                           Bien que ce fût le matin, le requin avait   belles vagues dans la lagune. On dit
                                           sans doute faim, car on vit aussitôt rap­  que les poissons sont muets, pourtant
                                           pliquer ses ailerons et lorsque le dernier   nous avons tous entendu un long cri
                                           homme regagna le tarik... il était    rauque et les cent témoins de l’aventure
                                           temps.                                virent le squale filer vers le large en
                                             » C’est alors que j’eus une idée. Cela   vomissant du sang.
                                           ne m’est pas arrivé souvent, mais cette   » Le lendemain matin les plongeurs
                                           fois elle était bonne ! Le Malais et Ni   reprenaient leur travail, nous récu­
                                           étaient en train de se dire mutuellement   périons le cadavre à la dérive et, après
                                           des sottises sur le pont. J’allai les trou­  avoir participé au dépeçage, j’entrai en
                                           ver, je m’adressai au premier.        possession du kriss qui avait provoqué
                                                                                 une belle perforation des tripes. Le
                                             » — Me donneriez-vous votre kriss
                                           si je vous débarrasse du démon ?      patron, lui, retrouvait son kilo de
                                                                                 poudre...
                                             » Il ne savait s’il fallait me prendre   » Ce kriss, j’ai dû le perdre à New-
                                           au sérieux. Du coup l’équipage mysté­  York il y a quarante ans, et ce morceau
                                           rieusement prévenu oublia que je n’étais   de peau que tu as trouvé est tout ce
                                           qu’un mousse et vint faire cercle autour   qu’il me reste de cette histoire. J’étais
                                           de nous. Ce fut Ni qui répondit pour   devenu sur-le-champ un héros aux yeux
                                           l’autre.
                                                                                 de l’équipage ; mais, quinze jours plus
                                             » — Bien sûr qu’on te le donnerait   tard, je désertais le Yang-Tsé, ayant
                                           si tu disais vrai...                  trouvé un embarquement plus sérieux à
                                             » — Eh bien, donne z-le-moi.        bord d’un clipper australien. »
                                             » — Ah ça, tu vas un peu vite.                    Jean-Paul BENOIT.
                                             » — Vous allez voir.
                                             » Le Malais marqua un temps d’hé­
                                           sitation, puis il me tendit l’arme pen­
                                           due à sa ceinture. Je commençai à intri­
                                           guer tout le monde. Tu connais le kriss
                                            malais : un grand sabre très souple et
                                            tout tordu... j’allai chercher un filin,
                                            puis, pliant le fer en deux, je liai la
                                            poignée à l’extrémité de la lame, puis
                                            me tournant vers le cuistot... « Donne-
                                            moi du lard que je prépare un bon petit
                                            plat... »
                                              » Une heure plus tard l’appareil
                                            était dans le ventre du requin. Le Malais
                                            s’inquiéta : « Qu’espères-tji mainte­
                                            nant ? Il peut vivre longtemps encore,
      masse noire, hideuse, était impres­
      sionnante. Il osa même, ce marteau    on a vu des marteaux traîner pendant
      de malheur, cogner contre la coque.   des années des gueuses dans leur
      Mais heureusement, si elle n’avait pas   estomac... — Donnez-moi quelques
      beaucoup de qualités marines, la goé­  jours et vous verrez. »                 TELECRAN
      lette était solide. Il s’en aperçut rapi­  » Plus astucieux, Ni avait compris.
      dement et, fatigué, s’arrêta. Puis Ni   Il me soutint. Laisse le gosse, bougre          l’oscar
      commença à le canarder avec la plus   d’âne, tu vas voir. » L’équipage me                 du
      grosse carabine du bord. L’œil... peine   questionnait. Je leur expliquai : le filin     jouet
      perdue, le meilleur viseur y aurait   finirait bien par pourrir dans les entrail­  Avec TELECRAN, vous dessinez, vous
      employé dix ans de sa vie... ça bou­  les du monstre et comme je l’avais pris   écrivez, vous jouez à une foule de jeux
      geait... en plus il y avait l’eau... Le   peu solide cela ne pouvait tarder. Alors,   passionnants (labyrinthe, jeu de bataille,
                                                                                     etc...) seul ou à plusieurs.
      patron s’énervait, tonnait, armait tout   ses boyaux n’étaient tout de même pas   TELECRAN met à l’épreuve et cultive
      l’équipage, mousse compris, mais il   blindés... on verrait bien ce que ferait   votre dextérité et la coordination de vos
                                                                                     mouvements. Ce jeu français qui a
      n’avait pas fini de distribuer les car­  le kriss en se détendant comme un     remporté un succès triomphal dans le
                                                                                     monde entier fait la joie des garçons et
      touches que ce requin du diable nous   ressort.                                des filles et passionne les grandes
                                                                                     personnes. Il ne coûte que 27,50 F.
      faussait compagnie, filant en se mo­    » — Pendant trois jours il ne se
      quant vers le large dans la nuit tom­  passa rien. Au fur et à mesure qu’ils   Demandez notre documentation T 6
                                                                                     avec enveloppe à vos noms et adresse,
       bante. « On lui fera bouffer de la dyna­  s’écoulaient, la confiance que l’on   timbrée à 0,25 F. à
      mite si c’est comme ça ! »            m’avait témoignée diminuait, mais,       STÉ J.R. 6 RUE CAUCHOIS, PARIS 18<-
                                            dame, c’était bien normal ! Le chanvre,     (vente exclusivement en gros)
        » Le lendemain on s’aperçut que le
       diable se portait fort bien avec deux   ça ne se pénètre pas comme un buvard!
      livres d’explosif enrobé de lard dans   » L’événement est arrivé alors que je
      l’estomac : il n’était pas encore né celui   me trouvais sur le pont du Yang-Tsé. Un
       qui irait mettre l’allumette... et pour­  soir, je recousais une ralingue et la
       tant le capitaine fut très inquiet en   frayeur que me causa le gigantesque
       voyant cette bombe ambulante se frot­  bond du démon au-dessus au lagon me
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