Page 20 - Coeurs Vaillants Num 22

J’ai retrouvé
Dam un petit tillage ta Pyrénées

tous les jeunes gens sont soumis à des
« tests psychotechniques ». Ces mots bar­
bares recouvrent une série d’exercices de­
mandant de l’astuce, de l’intelligence et
un esprit vif. Ils servent à mesurer le
niveau intellectuel et culturel des futurs
soldats, pour les orienter vers les spé­
cialités qui leur conviendront le mieux et
choisir ceux dont on fera des officiers.
Et voilà que le berger descendu de sa
montagne avec son « certificat » pour tout
bagage stupéfia ses examinateurs, obte­
nant des résultats aussi bons que les
garçons ayant fait des études supérieures
(c’est-à-dire bien au-delà des « bacs ») !
Rémy se révélait une des plus bril­
lantes recrues de son contingent. L’armée
décida vite de faire de lui un officier.

Par dizaines,

les journalistes affluèrent
(de notre envoyé spécial Yves Colin) juste après son certificat d’études. Sa maî­
tresse était contente de lui, et il aurait
bien voulu continuer ses études, mais ses L’histoire se sut très vite et cela fit du ’
USTE, un petit village de 71 ha­
O bitants, accroché aux Pyrénées, parents avaient besoin de lui, pour garder bruit. Par dizaines, les journalistes com- 1
les 12 vaches et les 65 moutons de la
mencèrent de s’essouffler sur la mon- '
à 630 m d’altitude, au-dessus de ferme familiale. tagne, pour aller interviewer celui qu’ils
Il ne rechigna pas. Mais chaque jour,
Lourdes. Il m’a fallu passer la « pre­ quand il prenait le chemin de la montagne, appelaient déjà le « berger prodige ». Il
passa à la télévision. Dans la France
mière » pour grimper jusqu’ici en avec son grand parapluie noir, il em­ entière, on cria au miracle ! Mais le curé
portait sous sa pèlerine un livre ou un
voiture, par une jolie petite route autre, emprunté à son ancienne institu­ du village. M. l’ahbé Andiolle — un an-
de montagne. Puis j’ai continué à trice. Dévoré de la soif de savoir, il ne
voulait pas perdre son temps à contem­
pied, à travers les pâturages, à la
pler uniquement la nature. Il ne tarda
rencontre de Rémy Crampes, un ber- pas à épuiser la bibliothèque de l’école,
(

Rémy est l'oîné de
la famille. Il a
quatre petits frères
et une soeur. Sur
ses genoux, Chris­
tian, le petit der­
nier (quatre ans) ;
Rémy est pour lui
un grand frère très
attentionné...

ger de dix-neuf ans. Hier encore, per­ se précipitant sur les nouveaux ouvrages
au fur et à mesure de leur apparition.
sonne ne prêtait attention à lui. En
Puis il descendit régulièrement à Lourdes,
quelques jours, il est devenu célèbre. s’approvisionner à une bibliothèque plus
En lui, on vient de découvrir un importante.
« Mais pour choisir parmi tant de
« prodige »...
livres, on est un peu perdu, avoue-t-il,
et je les prenais dans "ordre où ils ve­
naient. »
Il épuisa la bibliothèque Sciences, histoire, géographie, récits de
voyages, il n’avait pas de préférence, mais
de l’école sa mémoire enregistrait toujours l’essen­
tiel de ses lectures. Jusqu’au jour où sa
persévérance fut récompensée. C’était il
Aîné de six enfants, Rémy a quitté y a quelques semaines.
l’école de son village, il y a cinq ans, Avant leur départ au service militaire,