Page 11 - Coeurs Vaillants Num 22
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avons l’Enseignement, mais nous ne saurions pas ensei
gner... »
Il se tut. Alors un long murmure s’éleva dans le Cénacle.
« Notre Père Qui êtes dans les cieux... »
Le lendemain, c’était le jour de la Pentecôte. Et voici ce
qui se produisit :
« Soudain retentit du ciel un fracas semblable à celui
d’une bourrasque de vent et ce bruit remplit toute la maison...
Alors ils virent apparaître des langues de feu qui, se parta
geant, vinrent se poser sur chacun d’eux. Ils furent tous
remplis du Saint-Esprit et se mirent à parler des langues
étrangères... »
Le Rabbi avait tenu sa promesse. Alors, sans se concerter,
d’un brusque élan, ils sortirent, tous les Douze, de la
maison du Cénacle et coururent dans les rues. Ce fut, dans la
torpeur inquiète de Jérusalem, comme un déchirement,
comme un cri de bonheur infini qui fusait de ces douze poi
trines et que tous, Parthes, Mèdes, Mésopotamiens, Égyp
tiens et Arabes comprenaient. Dans les premières heures
mornes de ce jour de Pentecôte, la Ville, étonnée, se sentait
confusément arrachée à des siècles de sommeil. Les campeurs
étrangers mal réveillés entendirent ces hommes qui s’adres
saient à eux directement, en chantant la gloire de Yahweh
et celle de Son Fils, le Rabbi, le Charpentier Jésus qu’on
avait crucifié et qui était — oui, eux, ils osaient dire le mot : —
ressuscité. Des chuchotements couraient : « Mais ce sont des
Galiléens... » — « Comment se fait-il que nous les entendions
parler chacun notre langue maternelle ?... » Puis un mot,
on ne sait d’où, fut lancé, comme un dernier voile contre la
Lumière, un dernier sursaut de peur contre une Vérité trop
forte. « Allons donc ! Vous ne voyez pas qu’ils sont ivres... »
L’explication stupide fut cueillie de bouche à oreille ; et
bientôt, devant le parvis des gentils où le peuple avait com
mencé de s’entasser en ce jour de Pentecôte, il y eut des rica
nements furtifs, des haussements d’épaules, comme après
l’annonce de « l’enlèvement » de Jésus, comme un retour
obstiné au sommeil des siècles. « Ils sont ivres... » — « Mais
bien sûr, ils sont ivres... »
« Pierre ! Ils disent que nous sommes ivres. » Pierre
regarda Jean avec un sourire calme, sans étonnement.
Puis, lentement, il fit peser son regard sur ces hommes,
ces femmes et ces gosses soudain immobiles, comme craintifs.
C’étaient eux... Les mêmes toujours... Eux qui avaient agité
des rameaux et crié « Hosanna ! »... Eux qui avaient dressé le
poing et hurlé : « A mort ! Libérez Barabbas et pendez Jésus
en croix ! »... Eux qui avaient dit : « Ses disciples l’ont
enlevé... » Eux, depuis des siècles indécis, angoissés, lâches.
Eux qu’il fallait aimer...
Et Pierre s’écria : « Juifs ! Et vous tous qui séjournez à
Jérusalem, écoutez-moi ! » Ses mots furent répercutés en
écho par les murs du Temple si bien qu’on eût dit qu’un autre
parlait aussi, et un autre encore, et un autre, jusqu’à la fin
des temps. « Il n’est que la troisième heure du jour et vous
savez bien que nous ne sommes pas ivres ! Vous voyez en ce
moment la réalisation d’une prophétie de Joël. Le Très-Haut
avait dit par sa bouche : « Dans les jours ultimes, je répandrai
de mon Esprit sur tout être vivant. » Sachez aussi que lorsque
notre roi David disait : « Il n’a point été abandonné dans le
séjour des morts, et sa chair n’a point connu la corruption »,
c’est de Jésus le Galiléen qu’il parlait. Car Jésus était l’Oint de
Yahweh, Il a été pendu en croix et II est ressuscité. Il a reçu
du Père l’Esprit-Saint et.L’a répandu, ainsi que vous le
voyez et l’entendez ! »
Pierre se tut et attendit. Alors une voix, de la foule, creva le
silence : « Que faut-il que nous fassions ? » Cette question
était une première victoire et les Douze en eurent une brusque
émotion. Ainsi commençait la Conquête du Monde. Pierre
répondit : « Repentez-vous ! Faites-vous baptiser au Nom de
Jésus-l’Oint-de-Yahweh et vous recevrez le don de l’Esprit-
Saint. Car la promesse est pour vous, pour vos enfants et
pour tous ceux qui entendront, au loin, l’appel du Très-Haut ! »
Alors, lentement, un groupe se détacha de la foule et vint
près des Douze. Puis un autre... Et un autre encore... Il y en
eut environ trois mille ce jour-là.
Les premiers...
Jean-Marie PÉLAPRAT.