Page 5 - Coeurs Vaillants Num 21
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Eh bien oui, justement, vieux jeu ! oui II y en a qui travaillent. Ils font leurs huit heures, puis ils
Disons quelques siècles ou millénaires ! vont au bar avec les collègues. Toi, levée depuis cinq heures,
Regardons ces quelques peintures. Elles sont le témoi le soir à dix heures tu laves encore les chaussettes de la petite
gnage d’un même amour maternel ; peut-être nous feront-elles et tu passes les sandales au blanc- pour que le lendemain
découvrir un même amour filial. Aux quatre tableaux choisis, matin, à l'école, elle ait des petits pied^qui te fassent honneur.
nous avons joint le texte d’un grand écrivain en parfaite C'est ça d'être mère.
concordance.
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Chaque fois que Blanche donne au Tioup une cuillerée
Cette après-midi de la plus belle saison est aussi pleine de bouillie elle esquisse un léger mouvement des lèvres ; elle
qu'une orange dont la maturité se prononce. goûte, par la pensée, tout ce qu’elle leur donne. Quand elle
Le jardin dans son entière vigueur, la lumière, la vie allaitait elle faisait aussi cette petite moue. Douleur? Non,
traversent lentement l’époque de la perfection de leur nature. sympathie.
On dirait que toutes choses, depuis l'origine, n'ont fait que Les femmes sont étonnantes. Elles s’asseyent auprès du lit,
mûrir cet éclat de quelques instants. Le bonheur est visible ne bougent plus. Les heures passent, les jours et les nuits
comme le soleil. se succèdent; elles restent là, tenant dans leur main la main
La jeune mère respire le plus pur de sa substance dans les de l’enfant malade, essuyant son front, lissant du doigt sa
joues du petit enfant qu'elle tient. Elle le serre contre soi, chevelure. Leur regard est toujours prêt. C'est un asile sûr
pour qu’il demeure toujours elle-même. où vient se reposer, se rafraîchir, le regard de la créature souf
Ses yeux distraits caressent les feuillages, les fleurs et le frante. Elles peuvent toujours sourire, même quand l'homme
splendide ensemble du monde. ne sait plus. «
Elle est comme un Philosophe et un Sage naturel qui a trouvé
son idée et qui s'est construit ce qu'il lui fallait.
Elle doute si le centre de l’univers est dans son cœur, ou
dans ce petit cœur qui bat entre ses bras et qui fait vivre à son Ma sœur ! Il est ici, mon fils est là ! Il repose enfin dans
tour toutes choses. le creux de mon bras, ses cheveux sont noirs comme de l’ébène.
Regardez-le. Il est impossible que tant de beauté ait déjà
2 été créée ! Ses bras sont gras et potelés et ses jambes ont la
force des jeunes chênes. Par amour, j’ai examiné tout son
Les enfants, oui, c’est bon, mais ils s'appuient sur vous, corps. Il est sain et admirable comme celui du fils d’un
toujours, on ne s'appuie pas sur eux. Ils se font mal, ils pleurent : Dieu...
il faut les consoler. La nuit, ils ont chaud, ils ont froid, ils ont Il a neuf mois d’existence et il est gros comme un vrai Bou-
des cauchemars : tu te lèves, tu les découvres, tu les bordes, dha ! Vous ne l'avez pas vu depuis qu'il cherche à se main
tu les rassures, tu es là pour ça, c'est ton métier de mère. tenir sur ses jambes. Il y a de quoi faire rire un moine. Vrai
Tu le fais une fois, deux fois, trois fois, même plus. Et toi, ment mes bras n'ont pas assez de force pour le plier. Ses
petite femme fragile et toute douce dans ta chair, sensible pensées sont pleines de jolie malice et la lumière danse dans
dans tes nerfs, qui te rassure et te borde contre le froid? Et ses yeux. Son père prétend qu'il est gâté, mais je vous le
te découvre contre le chaud? Et te console si tu te fais mal demande, comment puis-je gronder un pareil enfant qui me
et que tu pleures? Personne. Toi, tu t'occupes du mari, des désarme par son entêtement et par sa beauté, en sorte que je
enfants, mais personne ne s’occupe de toi. L'homme travaille, suis en proie à la fois aux larmes et au rire.