Page 10 - Coeurs Vaillants Num 13
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COLLECTION LANDY
É, dans cette histoire je vous dis tout de suite le nom du
coupable : c’était Walter Landy lui-même. Ayant fait
son coup il avait téléphoné à la police pour porter plainte
et, ainsi, brouiller les pistes au départ. Ce culot ! Mais il
Tfaut, tout d’abord, que je vous dise de quoi il s’agit,
qué ? Après, la question que je vous poserai (car je vous en
poserai une malgré tout) ne sera pas « qui ? » puisque vous le
savez déjà, mais « comment ? » Et vous allez voir que, en fin
de compte, je ne vous fais pas de cadeau.
Walter Landy était un homme très riche et amateur d’art.
Américain, il s’était, depuis plusieurs années, fixé dans le
Midi où il avait une villa dans les environs de Saint-Tropez,
— très joli port de pêche où les habitants sont charmants,
mais qui est hélas fréquenté par beaucoup de fadas. Dans cette
propriété nommée « do, mi, si, la, do, ré » (je ne sais pas si
vous voyez le jeu de mots), Landy possédait une importante
collection de tableaux. Il faut lui rendre cette justice : il
n’avait pas la fortune tapageuse. Par exemple, sa voiture
datait de plusieurs années. C’était une de ces invraisemblables
voitures américaines, style tank et dont l’avant est exacte
ment pareil que l’arrière, sauf l’éclairage qui, à l’arrière, est
rouge naturellement. A une période où le grand chic, chez les
Américains, consiste à avoir une voiture minuscule, Landy
était donc resté simple. Il faut dire, coquin de sort, que, cette
auto, il la soignait. Il demandait à James, son chauffeur, de
relever tous les soirs dans un petit carnet le kilométrage du
compteur du tableau de bord. Un vrai maniaque.
Vous êtes des petits malins. Vous avez déjà compris qu’il
s’agit d’un vol de tableaux et que toute cette affaire va tourner,
si j’ose dire, autour de la voiture. C’est cela même, mais lais
se z-moi vous donner des détails.
Le 14 septembre, à mon retour de vacances, j’apprends que
le matin même Landy a téléphoné déclarant qu’on lui avait
volé dans la nuit un lot assez impressionnant de tableaux de
maîtres. Seules des toiles de petites dimensions avaient été
enlevées. Une enquête fut aussitôt ouverte contre X et je fus
chargé de la mener.
Je commençai par visiter la grande salle où les murs pré
sentaient des taches rectangulaires marquant cruellement la
disparition des tableaux. Puis j’allai dans le jardin. Et j’obser
vai sur le sol, devant le garage, des traces de pneus. Vous allez
me dire que trouver des traces de pnejis devant un garage, cela
n’a rien d’extraordinaire. Mais il avait plu dans la nuit et ces
traces de boue solidifiée indiquaient nettement qu’on s’était
servi de la voiture pendant la nuit. Ce qui justifia ma question
à Landy et à James : « Avez-vous sorti la voiture cette nuit ?
— Depuis 6 heures du soir elle n’a pas bougé, me dit James.
Vers 8 heures, comme chaque soir, je suis venu relever les
chiffres du compteur. — Je n’ai pas touché à ma voiture de la
nuit », me dit également Landy. Voilà que ça se compliquait
singulièremer t mais que déjà, intelligent comme je suis, je
soupçonnais James et Landy. Oui, bien sûr, vous vous
demandez comment on peut se voler soi-même. On enlève et
on cache ses tableaux quelque part et on les vend, autant que