Page 5 - Coeurs Vaillants Num 10
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On peut donc se demander pourquoi a été bâti
               là un centre sidérurgique qui sera sans doute le
               plus important de France dans quelques années.
               Autrefois, la métallurgie s’installait à l'intérieur
               des terres, près des mines de coke et de fer.
               Aujourd'hui, un peu partout dans le monde, les
               hauts fourneaux poussent au bord de la mer.
               C'est le cas pour Dunkerque, mais aussi en Alle­
               magne, en Italie, aux États-Unis, au Japon.
                 Pourquoi ce changement? Tout simplement
               parce que les gisements de minerais de fer ne
               suffisent plus à alimenter une industrie sidérur­
               gique sans cesse en progrès. Le minerai vient
               maintenant, pour une grande part, des pays
               d'Outre-Mer. Ainsi, à Dunkerque, on utilise du
               minerai de Mauritanie.                             Cette immense grue servira à transvaser le minerai déchargé
                 Venant par mer, celui-ci est directement livré   des navires. Des minéraliers de 35 000 tonnes pourront accoster.
               aux-gueules béantes des hauts fourneaux. Cette
               façon de procéder économise des transbordements
               et des dizaines (ou des centaines) de kilomètres
               de voyage. D'où une économie substantielle.
               Le coke, lui, arrive des régions voisines, il n'a
               donc pas beaucoup de trajet à effectuer.

               SIX PYRAMIDES ET DIX TOURS EIFFEL
                 Les travaux de la nouvelle usine de Dunkerque
               ont commencé en 1959. En fait, ce n'est qu'en
               1962 que la « mise à feu » du premier haut four­
               neau a été réalisée. Un second haut fourneau
               fonctionnera cette année. A cela, il faut ajouter
               des convertisseurs, un laminoir, une tôlerie forte
               et un train à bande. Toutes ces usines annexes
               visent à faire' de Dunkerque le plus gros pro­
               ducteur européen de tôle. Les créateurs de l’usine
               ont toutefois vu plus loin. L'usine est telle que
               l’on pourraajouterassez rapidement, si nécessaire,
               quatre autres hauts fourneaux. Vous pensez
               qu’une semblable usine ne s'est pas faite en un    Ce bâtiment est maintenant terminé. L’automation sera poussée
               jour !                                             au maximum. Remarquez au centre la cabine de direction.
                 Une première difficulté venait du terrain choisi.
               S’il convenait parfaitement du point de vue de sa
               situation, il fallait le préparer à recevoir le poids
               formidable des usines. Ce terrain était de 370 hec­
               tares. Il fallut d’abord en gagner 80 sur la mer !
               Les dragueuses commencèrent leur travail à
               l'emplacement du futur port. Des pompes
               commencèrent à aspirer l'eau et le sable pour les
               rejeter aux emplacements à remblayer. Puis il
               fallut pousser les dunes pour arriver à une surface
               plane située à 9 mètres au-dessus du niveau de
               la mer. Enfin, une digue de 5 kilomètres de long
               fut construite pour protéger le tout.
                 Cependant, le travail n'était pas terminé. Le
               sable ne fournit pas une base assez solide pour
               y implanter des bâtiments extrêmement lourds.
               Pour le renforcer, on y enfonça des piliers... en
               sable.
                 En effet, on eut recours à la technique du
               « Vibro-foncage ». Elle consiste à enfoncer une
               tige à tête vibrante. Au fur et à mesure qu'elle   Ce hall n'est pas encore tout à fait terminé. Pour avoir une échelle
               compacte le sable, un entonnoir se forme à la      des grandeurs, comparez les piliers à la grue qui est au centre.
               surface que l'on emplit... de sable. Sur un pareil
               sol, les ingénieurs peuvent avoir toutes les
               audaces.
                 Alors le béton armé a pu couler à flot, les char­
               pentes ont pu s’élever. En tout, on a remué 14 mil­
               lions de tonnes de sable (le poids de six grandes
               pyramides) et utilisé 70 000 tonnes de charpentes
               métalliques (le poids de 10 tours Eiffel).
                 L'usine, une fois achevée, produira 5 millions
               de tonnes d’acier. Ce sera un des plus grands
               centres sidérurgiques européens.
                 Une autoroute le reliera à Lille, et un grand canal
               au reste de la région du Nord. On aménagera
               aussi un ensemble de voies ferrées de 25 kilo­
               mètres. Si on ajoute le port, qui peut accueillir
               des navires de 30 000 tonnes, et l'aérodrome tout
               proche, vous voyez que le centre industriel sera
               relié au monde par tous les moyens de transport
               imaginables.
                                                   H. S.
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