Page 18 - Coeurs Vaillants Num 04

Françoise Hardy, étoile des " moins de 20 ans "

A la base de l'extraordinaire his­ entre deux cours à la Sorbonne, où
toire de Françoise Hardy, il y a eu elle prépare une licence d'allemand.
le bac. Ce bac qu'elle réussit bril­ Elle a une jolie voix fraîche, une
lamment et qui lui permit d'acquérir, voix presque timide, comme tout en
à titre de récompense, l'objet de ses elle. Les chansons qu'elle compose
plus chers désirs : une guitare. ont des paroles intelligentes qui
C'était il y a deux ans. Elle com­ parlent des « gars et des filles de
mence, comme tout le monde, par son âge », de leurs joies et de leurs
gratter la guitare dans ses moments peines, tout simplement... Les amis
de loisirs, sans beaucoup de tech­ apprécient beaucoup ; on organise
nique, mais elle aime ça. Peu à peu, entre copains de petits récitals.
elle parvient à bien jouer. Alors Et, bientôt, comme c'était fatal,
l'idée lui vient de composer, pour tout le monde commence à lui dire :
elle et pour ses amis, de petites « Tu devrais essayer d'enregistrer un
chansons sans prétention. Elle le fait disque. »

“ Vous ne chantez pas en mesure ”, lui dit-on après l'audition

A tel point qu'un jour, après avoir Pour les vacances, comme beau­
répété cent fois ses plus fortes réso­ coup de ses camarades préparant la
lutions de courage, elle s'en va frap­ licence d'allemand en Sorbonne,
per à la porte d'une maison de Françoise va perfectionner ses con­
disques. Elle en repart très vite. naissances dans un lycée de Munich.
« Vous ne chantez pas en mesure », Au retour, c'est le prodige.
dit le directeur artistique après l'au­ De bouche à oreille, les jeunes se
dition, en lui conseillant de ne plus répètent le nom de cette fille in­
penser à la chanson et de continuer connue dont le premier disque vient
ses études. de sortir.
Mais voilà Françoise piquée au vif. Dans la nuit qui suit le premier
Elle est de ces filles que les tour des élections, elle passe à la
échecs, loin d'abattre, font aller de télévision vers deux heures du ma­
l'avant. Elle apprend le solfège. Elle tin, entre une longue série de ré­
perfectionne sa voix, sans pour au­ sultats. Le lendemain, tous ceux, qui
tant négliger ses cours. l'ont vue sur le petit écran parlent
Six mois après, elle revient à la d'elle. On dit partout qu'elle apporte
même maison de disques. Et, cette un « bain de fraîcheur » à la chan­
fois, tout de suite après l'avoir en­ son, qui en avait bien besoin.
tendue, on décide de lui signer un En quelques semaines, 100 000
contrat. disques sont vendus !

“ Mon secret ’ Rester une fille simple... ”

—— Françoise Hardy, à votre avis, - Vous faites du sport ?
quelle est la raison de ce succès ? — Non, c'est dommage. Je fais
— C'est d'abord, je crois, à cause seulement de la gymnastique correc­
d'une chanson : Tous les garçons et tive.
les filles. C'est une chanson douce, Comment vous vient l'inspira­
qui est venue au moment où tout tion ?
le monde commençait à être blasé — Une idée ne veut pas partir
des airs trop « survoltés ». Et puis de ma tête. Alors, je prends ma
parce que les jeunes se reconnaissent guitare et je joue. Petit à petit, une
dans ce que je chante. chanson naît. Quand elle est bonne,
Brusquement, la gloire a bondi je prends du papier et je la trans­
sur vous, à 19 ans. Est-ce que ça vous cris, sans jamais raturer, pour res­
□ grisé ? ter naturelle.
Elle a l'air étonné que je lui de­
mande ça. C'est au moment de nous quitter,
— Non. Pourquoi ? Je suis restée après avoir longuement bavardé, que
la même et j'espère le rester tou­ j'ai remarqué à quel point, même
jours. Je continue à rencontrer, quand elle .riait, il y avait quelque
quand mon nouveau métier m'en chose de triste dans son regard.
laisse un peu le temps, mes amis — Franchement, Françoise
étudiants. Non, vraiment, je ne crois Hardy : vous, maintenant adulée par
pas que tout ce bruit autour de moi les jeunes, traquée par les photo­
m'ait grisée. graphes, best-seller du disque, êtes-
A ce moment, j'ai pensé à cette vous heureuse ?
phrase qu'elle confia, il y a peu de Pour la première fois, elle hésita
temps, aux reporters d'un grand longtemps avant de répondre.
hebdomadaire : « Je ne danse pas, — Je ne sais pas. J'ai des mo­
je ne vais pas dans les surprise- ments de bonheur et des moments
parties. Le dimanche, je vais voir de cafard. Tenez, quand j'ai vu la
ma grand-mère en banlieue... » Et pochette de mon disque 33 tours,
c'est vrai, là, en train de nous par­ avec cette photo abominable...
ler, vêtue simplement, sans maquil­ Cette photo-là, Françoise, n'avait
lage, qu'elle a l'air d'une fille toute rien d' « abominable ». Et, quand
simple. bien même elle l'eût été, ne trouvez-
— Comment étiez-vous quand vous pas dommage d'être malheu­
vous aviez treize ans ? reux pour une simple pochette de
— J'étais élève au cours La disques ? Mais je sais maintenant
Bruyère, tenu par les religieuses par expérience qu'on trouve bien peu
Trinitaires. Bonne élève, oui. Ma de gens heureux, malgré la richesse
matière préférée ? La littérature. Je et la gloire, sous la lumière brûlante
n'étais pas forte en maths. C'est des sunlights, dans votre nouveau
drôle, je me suis mise à aimer les métier...
maths en classe de philo. Les maths
et les sciences naturelles. Jean-Claude ARLANDIER.
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