Page 403 - Les fables de Lafontaine
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LES POISSONS ET LE CORMORAN         399
      —  Changer de lieu, dit-il. — Comment le ferons-nous ? 25
      —  N’en soyez pas en soin * : je vous porterai tous,
             L’un après l’autre, en ma retraite.
      Nul, que Dieu seul et moi, n’en connaît les chemins.
             Il n’est demeure plus secrète.
      Un vivier, que Nature * y creusa de ses mains,   30
             Inconnu des traîtres humains,
             Sauvera votre république *. »
             On le crut. Le peuple * aquatique,
             L’un après l’autre4, fut porté
             Sous ce rocher peu fréquenté.           35
             Là, Cormoran, le bon apôtre,
             Les ayant mis en un endroit
             Transparent, peu creux, fort étroit,
      Vous les prenait sans peine, un jour l’un, un jour l’autre.

             Il leur apprit, à leurs dépens,        40
      Que l’on ne doit jamais avoir de confiance
             En ceux qui sont mangeurs * de gens.
      Ils y perdirent peu, puisque l’humaine engeance *
      En aurait aussi bien croqué sa bonne part ;
      Qu’importe qui vous mange, homme ou loup ? toute panse 45
             Me paraît une * à cet égard.
             Un jour plus tôt, un jour plus tard,
             Ce n’est pas grande différence.

       Exercice complémentaire. — Supposez que l’Écrevisse, s'échap­
     pant du vivier du Cormoran, retourne à l’Étang et raconte ce qui se
      passe à une vieille carpe restée seule dans sa demeure.










       4. Accord avec l’idée de poissons contenue dans le peuple aquatique.
     Syllepse, 24, j.
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