Page 11 - Coeurs Vaillants Num 23
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Il
        voilà des mots qui toucheront le cœur de Leurs Majestés et   Vers le soir, quand Leurs Majestés regagnèrent leur berline, le
        leur prouveront la haute tenue de l’enseignement de ce   roi se tourna vers l’abbé Saint-Vaast et lui demanda : « Mon­
        collège... »                                            sieur l’Abbé, voulez-vous me faire connaître le nom de
                                                                l’élève qui, ce matin, nous a réservé un si brillant accueil ? »
                                                                — « Il se nomme Maximilien de Robespierre, Sire. »

                                    ENTOT, deux groupes de
       cavaliers, le plumet frémissant planté orgueilleusement sur le
        bicorne, portant haut la bannière fleurdelisée, vinrent caraco­                    L y avait dix-huit ans de
       ler dans la cour d’honneur puis formèrent la haie. Sur un per­  cela...
       ron, dominant les carrés immobiles et de tailles diverses des
       élèves, tout le personnel enseignant du collège était rangé en
       brochette. Au centre de la cour, l’abbé Saint-Vaast et M. le
       Principal entouraient le jeune élève qui, mentalement, répé­                         ANS la salle du Manège, la
       tait son discours.                                       voix âpre et criarde du citoyen conventionnel et jacobin
         Alors parut la berline. Le roi sortit et tendit la main à la   Robespierre répéta : « Pas de jugement ! Louis Capet doit
       reine. Un capitaine de cavalerie se détacha de son groupe et,   mourir ! »
       mettant sabre au clair, cria : « Messieurs, le roi ! » Le vent de   Alors Louis XVI, arraché à ses souvenirs, ne put s’empê­
       l’histoire passa sur le collège Louis-le-Grand. Leurs Majestés,   cher d’avoir un sourire amer.
       lentement, marchèrent vers les deux prêtres et le jeune
       homme. « Monsieur le Principal, messieurs, dit Louis XVI,                            Jean-Marie PÉLAPRAT.
       sachez combien la reine et moi sommes heureux d’être parmi
       vous aujourd’hui... » Le jeune élève sentit deux impercep­
       tibles coups de coude. C’était le moment. Il fit deux pas en
       avant et vint fermement se planter devant le roi. D’une voix
       nette mais un peu criarde, il attaqua son discours.
         Louis XVI commença d’écouter avec un peu d’ennui, un
       sourire de commande aux lèvres. Puis son attention s’éveilla.
       Et il considéra avec intérêt ce petit bout d’homme qui lui
       récitait avec une aisance admirable les protestations les plus
       enflammées d’attachement éternel à la cause royale. « Vrai­
       ment, murmura-t-il à Marie-Antoinette, ce jeune homme a
       une facilité de parole étonnante et des accents de sincérité qui
       ne laissent aucun doute sur un esprit parfaitement dévoué à
       Notre Personne. Je suis certain que ce jeune homme ne tar­
       dera pas à faire parler de lui... »
         Ayant terminé, le jeune homme reçut les félicitations
       royales, rentra dans les rangs et la journée suivit son cours
       selon un programme établi, revu et corrigé depuis des mois.
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