Page 40 - Coeurs Vaillants Num 09
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jomme on dit, un « petit talent », ils savaient mieux que les pris l’habitude de vivre de peu. Mais la foi était toujours là,
autres chanter, et même accompagner leurs chansons d’une bien vivace.
lorte de petit ballet. Ils admiraient beaucoup les frères
Jacques et les imitaient. Oh ! ce n’étaient pas encore de ACTE QUATRE :
grands comédiens ni des interprètes rompus à toutes les LA VALISE AUX CHANSONS
icelles du métier. Mais ils « accrochaient » le public des
étudiants de leur école. La bourse plate, mais le cœur plein d’espoir, et aussi
Et c’est ainsi qu’à la fête de la fin d’année ils se lancèrent...
avec le gros bagage de leur talent, ils osèrent frapper aux
portes. Ils ne furent pas mal reçus. Les imprésarios comme
ACTE DEUX : LES HORACE les directeurs de salles étaient bien obligés d’en convenir :
ils formaient un trio peu ordinaire. C’est alors qu’ils com
L’école hôtelière mène à tout à condition d’en sortir. mencèrent à faire des disques, c’est alors qu’ils passèrent
C’est ce que pensèrent nos trois apprentis cuisiniers; mais dans les cabarets parisiens, c’est alors qu’on les vit sur les
ils eurent tout de même la sagesse de terminer leurs études. scènes de tous les grands music-halls. Successivement,
Après tout, un diplôme peut toujours servir. Ils n’allèrent Bobino, l’A. B. C., l’Alhambra les accueillirent. Les tournées
toutefois pas plus loin dans l’art culinaire. La petite fée succédèrent aux tournées. L’étranger les invita. Le succès
chanson les taquina de plus en plus fort, si bien qu’ils réso était évident. Et les Horace commencèrent à craindre ce
lurent de tenter la grande aventure. H leur fallait d’abord succès. Ils étaient entraînés dans un tourbillon sans fin. Ils ne
un nom. Us en choisirent un qui disait bien haut qu’ils étaient tournaient plus, ils valsaient, et c’est le monde du théâtre qui
trois et qui sonnait comme un cri de victoire : les Horace. les faisait valser.
Jux aussi sauraient vaincre face au public. Ceci dit, il leur
allait un metteur en scène qu’ils trouvèrent et un composi- ACTE CINQ : LA LIBERTE
eur qu’ils dénichèrent.
C’est à ce moment que les Horace décidèrent de se libérer.
ACTE TROIS : DU CHANT AU MIME Ils retirèrent leurs billes du jeu. Ils s’organisèrent eux-
mêmes pour pouvoir se passer d’imprésario. Ils fondèrent
Interpréter une chanson, c’est bien. Mais les trois Horace leur propre marque de disques.
(puisqu’il faut bien les appeler par leur nom) voulaient aller Et maintenant... Maintenant ce sont trois artistes libres,
>lus loin : ils voulaient la vivre et la faire vivre ; tout s’arran- au point qu’ils peuvent choisir leur public, au point qu’ils
:eait bien puisque le metteur en scène qui les faisait travailler peuvent choisir leur répertoire. Leur dernier grand disque vient
tait un disciple d’Étienne Decroux, le père du mime. Or quoi de sortir. Il s’agit de huit chansons faites sur des poèmes de
le mieux que le mime pour faire « vivre » une chanson, pour Maurice Genevoix, de l’Académie française. Soyons sûrs
ui communiquer une chaleur humaine, pour en faire une qu’il remportera le succès qu’il mérite (1).
àrce ou un petit drame. Quant aux Horace, inutile de se faire du souci pour eux !
Les Horace travaillèrent d’arrache-pied. Durant des Ils vont leur chemin qui est celui du travail bien fait et de la
nois, des années même, ils firent cent fois le même geste qualité. C’est encore le plus court chemin pour arriver au
jour arriver à la perfection. Chaque chanson, au fur et à succès.
nesure des répétitions, se perfectionnait, se polissait, deve- Hervé SERRE.
iait un petit chef-d’œuvre. Pendant cette période, ils avaient (1) Publié par Unidisc, 31, rue de Fleurus.