Page 30 - Bouvet Jacques
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trefit si bien l'idiot, qu'ils le laissèrent entrer sans
la moindre défiance.
Appelé une autre fois auprès d'un malade dont
quelques voisins étaient plus que suspects, il
suspendit sur son épaule, au moyen d'un long
bâton, un rouet neuf; ce meuble, son chapeau
large et un accoutrement de circonstance, lui
ménagèrent une entrée sans encombre : on le prit
pour un fabricant de rouets.
Comment raconter, dans tous ses détails, cette
vie apostolique et les dangers qu'il courut pen-
dant cette terrible période ? Assurément, l'habile-
té de M. Bouvet, si merveilleuse qu'elle fût, ne
peut expliquer seule ces inspirations qui le sau-
vaient ; l'ange du Seigneur veillait sur son fidèle
ministre.
Un jour que !'Oncle Jacques se trouvait à
Morzine, pour administrer un malade, portant le
viatique caché sur sa poitrine, il ne pouvait éviter
de passer sur la place où les gendarmes jouaient
.aux quilles ; il arrive comme un désœuvré vers
les gendarmes, se donne l'air de s'intéresser au
jeu, accepte même, sur leur invitation, de faire
une partie. A quelques pas de là, les personnes
qui le connaissaient tremblaient pour lui et pour
le sacré dépôt c1ont elles le savaient chargé ;
l'apôtre ne perdit pas contenance, et, quand il
crut qu'on ne faisait plus attention à lui, il s'en
alla; comme en flânant, administrer son malade.
Une autre fois, étant entré dans une maison
.amie, il fut aperçu et dénoncé. Aussitôt un agent
.et quelques patriotes vinrent cerner et fouiller la