Page 5 - Les chemins de terre
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rançois DUCRET commença par manière de distraction à
                                             modeler des figurines dans des blocs de plâtre dont il  décorait
                                             les  murs de sa cuisine. On y voyait paraît-il un  gros chat à
                                  l'affût de petits oiseaux.

                                  Entre 25  et 30 ans,  il  se  mit à un  travail  plus sérieux tout en  continuant à
                                  sculpter de  petits objets,  des chats,  des  chouettes,  il  entreprit de  tailler la
                                  pierre. A partir de  1840, il érigea un grand nombre d'oratoires et de statues
                                  dans sa paroisse de Vailly et dans les environs.

                                  Il ne fit aucun apprentissage et n'eut jamais la moindre notion des règles de
                                  l'esthétique.  Son  art,  tout  spontané,  n'eut  d'autre  guide  qu'une  certaine
                                  adresse  naturelle et une  grande  dévotion  à  notre  Dame qu'il  aurait  voulu
                                  faire  belle comme il l'aimait.

                                  Il  n'avait d'ailleurs  pour travailler que  des  moyens  de  fortune  : quelques
                                  gros ciseaux pour fendre  les  blocs de pierre, des ciseaux plats et à pointe
                                  fine,  une gouge et un  marteau. 11  avait forgé  lui-même ses outils et quand
                                  ils  s'émoussaient,  il  savait  leur donner une  trempe  spéciale  nécessaire  au
                                  travail du gros marbre, noir ou gris, dont il  se servait.


                                  Pour polir sa pierre, il la frottait tout simplement avec de la molasse réduite
                                  en  poussière,  ce travail  demandait beaucoup de patience  mais  donnait de
                                  bons résultats comme on le voit sur les dessins en relief et les rebords des
                                  bénitiers de l'église de Vailly.

                                  La  plupart  de  ses  madones  sont  inspirées  de  l'image  de  la  médaille
                                  miraculeuse, c'est  l'immaculée étendant les mains ouvertes vers la terre  ;
                                  le  choix de ces attitudes ainsi  que les  inscriptions  : "Ô, Marie Immaculée
                                  ou  Ô,  Marie  conçue  sans  péché"  est  assez  normal  puisque  le  dogme  de
                                  l'immaculée conception fut défini en  1864.


                                  Il  choisissait  habituellement  comme  modèle  de  ces  figurines  les  beaux
                                  traits de quelques femmes du village, souvent même le visage de sa femme.
                                  Les oratoires de François DUCRET, comme tant d'autres,  s'élèvent là où
                                  l'on se  réunissait le  dimanche ou les  soirs de  mai  pour réciter le  chapelet
                                  en commun.


                                  A cet effet, chaque village tenait à avoir son oratoire, surtout ceux éloignés
                                  de  l'église.  D'autres,  "les  pardons" étaient érigés en  souvenir d'un mort.
                                  On y trouve habituellement une courte prière d'indulgence.
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