Page 85 - La Lecture Expressive
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         Lecture     38. Ballade  des  pauvres  gens


               Rois, qui serez jugés à votre tour,
               Songez à ceux qui n'ont ni sou ni  maille  1   ;
               Ayez  pitié  du  peuple tout amour,
              Bon  pour fouiller le sol,  bon pour la  taille"
               Et la  charrue, et bon pour la  bataille.
               Les  malheureux  sont  damnés 3,  -  c'est  ainsi!
               Et leur  fardeau  n'est jamais adouci.
               Les  moins meurtris n'ont pas le  nécessaire.
               Le froid, la pluie, et le  soleil aussi,
              Aux pauvres gens, toul est peine et misère.


               Le  pauvre hère  en son triste séjour
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               Est tout pareil à ces bêtes qu'on fouaille •
               Vendange-t-il, a-t-il chauffé le  four
               Pour un festin ou pour une épousai!te,
               Le  seigneur vien~ toujours  plus  endurci ;
              Sur son  vassal,  d'épouvante saisi,
               Il met la main comme un aigle sa  serre,
               Et lui prend tout, en disant : « Me  voici ! >>
               Aux pauvres gens, tout est peine et misère !

                     Th.  DE  BANVILLE  (Gringoire,  Calmann-Lé\>y,  éditem).

        Lee mots  : 1, Maille: ancienne monnaie de métal de très petite valeur; d'où
       l'expression  n'avoir ni  sou  ni  maille.  2,  Taille:  Impôts  sur les  roturiers  avant
       1789.  3, Damné: condamné à  une peine éternelle. 4, Pauvre hère: homme misé-
       rable.  5. Fouailler:  foueller  à coups répétés.
        Les  Idées  :  Peinture émouvante de  la  vie douloureuse des  serfs du  moyen âge,
       Le poète exprime tout à la fois  sa tendresse et sa pitié pour le  peuple tout amour
       (relevez les traits qui  peignent les  misères des  pauvres  gem,),  et son  indignation
       à  l'égard des  seigneurs au cœur dur et aussi  des  rois  qui  devraient  défendre Je
       peuple  (un  véritable  drame:  le  seigneur qui  survient lors  des  pauvres fêtes  des
       serfs,  comme  un oiseau de proie ... ).
         Rendre ces  sentiments par la  voix; mettre en  valeur le vers qui revient à la fin
       de  chaque  strophe  :  la  première  fois,  une  tristesse  accablée ;  la seconde  fois,
       une sorte de révolte.
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