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HECTOR LE CHIEN, PASSAGER CLANDESTIN 7
est remonté à bord sans que personne s’en aper Il se met à crier, il agite les bras, il fait des signes
çoive et a joué les passagers clandestins. Le au.godilleur et flanque de grandes claques dans
commandant qui aime les chiens essaie de gagner le dos de son compagnon. Son agitation égale
la sympathie de celui-là, mais le fox reste indif celle du chien. Au moment où le sampan passe
férent ; il se contente de se promener sur le pont contre le Hanley, le fox perd la tête et bondit
et de flairer l’air de la mer. carrément dans l’eau, par-dessus bord. L’homme
Pourtant, il daigne m’accompagner jusqu’à la le repêche vivement, le hisse à bord du canot et
coquerie où il se poste, attendant que le cuisinier le serre, tout ruisselant, sur son cœur. Le chien
lui donne quelque chose à manger. Il avale la gémit de bonheur et lui lèche la figure. Aucun
dernière bouchée quand arrive mon tour de doute possible ; un chien et son maître viennent
prendre le quart. A mon grand étonnement, il me de se retrouver !
suit sur le pont et se couche confortablement dans Nous avons appris ensuite que ce fox s’appelait
un coin. Ce passager clandestin est à coup sûr un Hector. Son maître, M. Mante, était second sur le
vieux loup de mer ! Simaloer et il avait les mêmes attributions que
moi et les mêmes quarts à accomplir. Voilà pour
Pendant dix-huit jours, notre bateau fend les
quoi Hector avait toujours pris le quart avec moi
flots à la lisière du Pacifique Nord. Jour après sur le pont ! Plus tard, Mante m’a raconté toute
jour, nous essayons de faire amitié avec ce chien. l’histoire.
Il se laisse caresser sur la tête sans jamais témoi
gner la moindre affection en retour. Mais chaque
fois que je suis de quart, il monte avec moi sur le
pont et se couche dans son coin.
Quand nous arrivons en vue de la côte japo
naise, notre passager se met à flairer la brise de
terre et à observer la côte qui se rapproche^
A mesure que nous avançons à travers les brise-
lames de Yokohama pour gagner notre mouillage,
son intérêt semble augmenter. Notre cargo jette
l’ancre parmi une quantité de bateaux qui
déchargent leur cargaison.
Le plus proche de tous, le vapeur Simaloer, de
la Nederland Line, décharge, comme notre
Hanley, des troncs équarris.
Bientôt, la marée nous fait virer de bord et
notre arrière vient se placer dans la direction de
ce bateau hollandais qui se trouve maintenant à
300 mètres environ. Immédiatement, le chien le
regarde avec le plus grand intérêt, puis il court /Yvant son départ de Vancouver, le Simaloer
au gaillard d’arrière pour en être aussi près que avait quitté notre quai pour s’ancrer plus loin
possible, et il se met à renifler l’air, dans un état dans le port. A ce moment-là, Hector s’offrait jus
d’agitation croissante. Je l’observe toujours quand tement une dernière petite virée avant la longue
une petite embarcation, un sampan, vient se traversée. Mante chercha désespérément son
ranger contre le Simaloer. Deux hommes chien, mais ne le trouva pas... et le Simaloer
prennent place dans ce canot, puis les godil- partit sans lui.
leurs le dirigent vers la côte. Quel instinct mystérieux a bien pu guider la
Le chien le suit du regard et gémit doucement. recherche minutieuse d’Hector et lui faire choisir,
Tout à coup, il se met à bondir en tous sens et à parmi tous ces bateaux, le seul qui allait l’em
aboyer comme un fou. Son manège attire l’atten mener à travers un océan jusqu’à son maître bien-
tion des deux passagers du canot qui regardent aimé ?
fixement l’arrière de notre bateau, en se proté C’est bien difficile, sans doute impossible à
geant les yeux contre le soleil. expliquer. Mais je suis sûr que vous êtes de mon
Je vois soudain l’un d’eux se lever d’un bond. avis : Hector était un chien très intelligent.